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Evoquer l’idée de lire la Bible ne laisse personne indifférent. Aucun texte au monde ne  suscite immédiatement autant de réactions qui vont du rejet pur et simple à une grande ferveur partisane alors que le texte lui-même est largement méconnu des uns comme des autres.
La corrélation entre la Bible et la religion ferme le plus souvent toute discussion sur le contenu, pour laisser place à des questions sur l’appartenance religieuse et les croyances du lecteur.
Pour certains, la défiance vis-à-vis de la Bible résulte du rejet de la religion, pour d’autres la lecture de ce livre en dehors d’un cadre institutionnel alimente la crainte d’une remise en cause d’une orthodoxie doctrinale ou la suspicion de dérives vers des formes fondamentalistes qui se revendiquent de la Bible.
Paradoxalement, au nom de la laïcité et du fait du lien entre la Bible et la religion, ces textes qui tiennent une si grande place dans la formation de notre culture ne sont pas étudiés dans le cursus scolaire ou universitaire public, comme peuvent l’être les mythes grecs par exemple.

Pourquoi cette étude nous apparait plus que jamais nécessaire ?

De plus en plus de voix s’élèvent aujourd’hui pour ouvrir au sein de nos sociétés laïques, en dehors d’un cadre défini par une appartenance religieuse, l’enseignement de l’histoire des religions. En effet, une interprétation restreinte de la laïcité, en cantonnant la religion à la sphère privée, n’a pas favorisé une lecture critique des textes fondateurs. D’une certaine façon, elle a conforté le repli de chaque religion dans sa sphère d’appartenance.
Repli qui en rendant le débat contradictoire superflu, favorise les mouvances fondamentalistes qui, elles, ne s’encombrent pas, ou alors de façon biaisée, d’une réflexion historique et anthropologique sur  leur croyance.
Cette carence dans l’enseignement des religions ouvre la porte à une instrumentalisation politique du religieux. On constate cette utilisation des puissants ressorts de la religion aussi bien dans certains pays musulmans où des fondamentalistes instrumentalisent le Coran pour mener un combat politique contre l’Occident que chez certains gouvernants occidentaux, soutenus par des fondamentalistes évangéliques ou des courants traditionnalistes catholiques. On a pu les voir brandir sans scrupule la Bible sans vraiment en connaître le contenu pour légitimer la défense de leurs prérogatives et élever des remparts contre l’immigration au nom de la défense de la chrétienté. Les uns comme les autres cherchent à donner à leur idéologie une dimension « sacrée » qui leur permet de couvrir des motivations moins nobles et d’échapper à toute velléité de réflexion critique.
A l’opposé, les courants s’inspirant du matérialisme athée se sont engagés un peu naïvement  dans un combat contre toutes les religions en vue de  libérer la société de cet « opium du peuple ». On sait ce que cela a donné : à la volonté d’éradiquer les ordres religieux lors de  la Révolution française a succédé un puissant renouveau de ces ordres au 19ième siècle. Au 20ième le projet en Union Soviétique d’un communisme matérialiste et internationaliste a muté dans la Russie de Poutine en un nationalisme religieux. Dans les deux cas la volonté de renverser une église cléricale perçue comme étant entre les mains d’une classe sociale dominante a occulté la profondeur psychique et sociétale dans laquelle la religion s’enracine. C’était aussi  méconnaître la place des textes dits « sacrés »  dans le développement des cultures et des civilisations.

Pour un renouveau de la laïcité

Nous mesurons aujourd’hui combien ce vide de connaissance sur la religion est porteur de danger pour les sociétés démocratiques et met à mal l’idée même de laïcité. Si la laïcité, c’est-à-dire le découplage du politique et du religieux, est née à la fin du 19ième pour combattre l’emprise de la religion sur la société, on ignore trop souvent qu’elle trouve son origine au sein même de l’histoire du judaïsme et que Jésus en réponse à une question piégeuse qui assimilait la religion et la politique a eu cette phrase :
« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Mc 12,17)
Cette pensée devenue proverbiale fut souvent mise à mal dans l’histoire agitée de la chrétienté.

Au long des siècles, l’Eglise dans son désir d’instaurer sur terre le « Royaume des Cieux » a développé des structures dans les domaines de la santé et de l’éducation gérées par les ordres religieux. Par ailleurs la multiplication des monastères a joué un rôle important dans l’essor économique de l’Occident. La puissance du travail physique et intellectuel non rémunéré des moines tenus à la pauvreté a entrainé une concentration de capitaux entre les mains des autorités religieuses qui a favorisé grandement le développement de l’agriculture et de l’artisanat.
Mais la contrepartie de ces apports positifs de l’Eglise au bénéfice des populations fut la mainmise, de fait, du clergé sur la société, mainmise renforcée par l’alliance objective avec la Royauté dans un partage des tâches entre le « sabre et le goupillon ». A la Royauté la diplomatie et la guerre, à l’Eglise toutes les fonctions sociales et une bonne part des fonctions économiques et administratives. Cette position dominante du clergé renforcée par la dimension « sacrée » de leur statut attire des vocations qui ne sont pas toujours motivées par le seul souci des pauvres et de l’annonce de la bonne nouvelle évangélique. La priorité souvent donnée au développement du sentiment d’appartenance (ou de dépendance) à l’Eglise s’est traduite chez les clercs par un prosélytisme qui frise la coercition. L’imposition d’un dogme et d’une morale, qui articule la menace de l’enfer pour ceux qui la refusent avec la promesse du paradis pour ceux qui s’y soumettent, court-circuite la liberté individuelle et ne respecte pas les parcours de chacun traversés de doutes et de questionnements. L’ordre clérical fondé sur un savoir circonscrit et consigné dans un catéchisme traduit mal, pour ne pas dire trahit, le cheminement de la pensée biblique.

La connaissance approfondie de la Bible permet de suivre dans le temps les transformations de la perception du sacré et donc de discerner certaines régressions religieuses qui traversent l’histoire. L’intelligence des textes bibliques permet de lutter efficacement à la fois contre le déni du religieux et contre son instrumentalisation à des fins de pouvoir et de domination. Son étude persévérante structure une pensée anthropologique et sociale préalable à toute ouverture à la dimension spirituelle de l’homme.  Une laïcité incluant l’étude des textes « sacrés », sans imposer une appartenance religieuse, conforterait l’idéal de nos démocraties. En révélant toute la profondeur des racines des trois mots de la devise de la République Française : liberté, égalité, fraternité, elle constituerait un socle pour lutter contre l’angoisse ou les ressentiments diffus qui menacent nos sociétés en perte de repères.

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