Sommaire
- 1 Comment parler du Royaume ?
- 2 Qu’est-ce qu’une parabole ?
- 3 La parabole du semeur (13, 3-9)
- 4 Pourquoi Jésus parle en Paraboles ?
- 5 Parabole et Révélation – Voile et Lumière
- 6 Révélation et Philosophie
- 7 Que nous enseignent ces différentes comparaisons au sujet du « Royaume des Cieux »?
- 8 L’idée de l’enfer ou des enfers
- 9 Conclusion des Paraboles
Comment parler du Royaume ?
Les deux chapitres précédents étaient sous-tendus par la question au sujet de Jésus : « Qui est cet homme? ». Jésus a répondu aux émissaires de Jean, non en s’auto-décernant un titre mais, en incitant ses interlocuteurs à le découvrir par eux-mêmes à la lecture de ce qui est en train de se passer devant leurs yeux, et en particulier, en interprétant son soutien aux malades physiques ou psychiques à la lumière des Ecritures. Jésus ne passe pas en force, il laisse des traces, il suscite la réflexion plutôt qu’il ne donne des réponses : cette pédagogie de Jésus relève de ce qu’on appelle dans la pédagogie moderne, l’heuristique. Cette approche dans l’intelligence des écritures nécessite une ouverture du cœur qui semble échapper aux « sages et aux savants » (Mt 11,25), pour qui à leurs yeux et face au regard des autres, il est important de maitriser parfaitement son savoir, de donner des réponses bien ficelées. A rebours de cet état d’esprit, le langage de Jésus est souvent énigmatique, « il y a ici plus que le temple,(Mt 12,6)… plus que Jonas,…plus que Salomon» (Mt 12,38-42), mais par sa parole il ouvre des portes à ceux qui sont dans l’attente, à ceux qui ont des désirs et qui se posent des questions à son sujet. Pour ceux qui vivent la religion comme un acquis avec des certitudes bien circonscrites, Jésus va devenir un objet de scandale et c’est ainsi qu’une opposition à sa personne commence à affleurer, en particulier chez les notables religieux qui se réclament de leur appartenance au peuple de Dieu. Appartenance que justement à la fin du chapitre 12, Jésus met assez brutalement en question « Qui est ma mère, qui sont mes frères ? » pour ouvrir un nouveau type d’appartenance, celle de membre du royaume. Mais comment parler de ce nouveau royaume dont les contours ne sont pas clairement définis et qui reste à créer ? Tel est l’objet de ce chapitre 13 qui est au centre de l’évangile et constitue l’apogée de l’enseignement de Jésus. Pour ce faire Jésus va faire appel à un genre littéraire particulier, la Parabole.
Qu’est-ce qu’une parabole ?
Le mot parabole vient du grec para-bollein = mettre à côté, comparer. A noter que le mot français parole vient d’un mot latin paraula qui est une contraction populaire du mot parabaula (parabole).
L’esprit oriental aime parler et instruire sous forme de comparaison, il affectionne aussi les énigmes qui retiennent l’attention, piquent la curiosité, incitent à la recherche de sens : « Peuples, écoutez tous ceci … Ma bouche dit des paroles de sagesse, mon cœur murmure des propos de bon sens. L’oreille attentive au proverbe, sur ma lyre, je résous l’énigme » (Ps 49)
« Je vais ouvrir la bouche pour une parabole et dégager les énigmes d’antan » (Ps 78,2)
Jésus utilise largement cette méthode rhétorique pour porter son enseignement.
Dans ce chapitre, Matthieu regroupe 7 (le chiffre parfait) petits récits de Jésus (4 sont propres à cet évangile). Ce sont des petits bijoux littéraires avec des scènes tirées de l’activité quotidienne, les semailles, l’ivraie, le grain de moutarde, le levain, l’achat d’un champ, le filet de pêche, etc…. parfaitement intelligibles à ses auditeurs, paysans ou pécheurs. Ces récits ont traversé les siècles et sont restés encrés dans notre culture, même si les images utilisées sont peut-être moins parlantes aux citadins d’aujourd’hui. Chacun de ces récits débute par l’expression « Le Royaume des cieux est comparable… » (Mt 13,31,33,44,47,52) qui revient comme une anaphore pour introduire des images tirées des réalités terrestres et amener ainsi ses auditeurs à entrevoir, par symbolisation de ces images, des réalités supérieures.
La parabole du semeur (13, 3-9)
Le premier de ces petits récits rapportés par Matthieu illustre les conditions pour que ce royaume des cieux puisse germer et éclore. Un semeur (Dieu, Jésus, les disciples ?) lance des graines systématiquement partout où il passe sans chercher à économiser ses graines, sans sélectionner à priori le terrain où il les jette. Certaines tombent sur le bord de la route, d’autres sur des pierres, d’autres sur des épines et d’autres enfin sur de la bonne terre. Le résultat qui va de soi est que seules les graines jetées sur la bonne terre vont germer. Jésus termine ce premier petit récit par « Entende qui a des oreilles ! »(Mt 13,9). Les disciples, on les comprend restent un peu pantois, perplexes et se demandent ce que Jésus veut faire passer par ce récit. Ils lui posent alors directement la question du choix de cette rhétorique un peu énigmatique :
« Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? »(Mt 13,10)
Pourquoi Jésus parle en Paraboles ?
A partir d’un récit portant sur des réalités visibles, matérielles, à partir de l’observation de la nature, Jésus veut rendre intelligible à ses auditeurs ce royaume des cieux, encore invisible certes, mais qui est déjà en germe et qui imperceptiblement est déjà en train d’advenir.
Mais derrière ce choix du procédé littéraire de la parabole, il semblerait que se cache un enjeu qui dépasse largement la simple préférence rhétorique.
A la question intriguée de ses disciples, Jésus répond :
« Parce qu’à vous il est donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, tandis qu’à ceux-là ce n’est pas donné.» (Mt 13,11)
Cette réponse paraît un peu inquiétante. Qui sont ces « ceux-là » auxquels il n’est pas donné de connaitre ces mystères ? Là, Jésus semble prêter le flanc à l’accusation d’ésotérisme, ces courants spirituels issus d’Orient où la connaissance de la vérité était réservée à une élite seule capable d’appréhender les plus grands mystères inaccessibles aux communs des mortels.
[Cette mouvance spirituelle donnera naissance au sein du christianisme des premiers siècles à un courant, la gnose (= connaissance en grec). La découverte récente d’un codex du IVè siècle, l’évangile de Judas écrit en copte mais dont une version originale en grec pourrait remonter au IIè siècle, apporte un éclairage très intéressant sur la présence de ce courant gnostique dans les premières communautés chrétiennes, courant qui sera combattu par les pères de l’Eglise et finalement condamné comme hérétique.]
Jésus poursuit avec cette phrase encore plus choquante : «
Car à celui qui a, il sera donné, et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré.» (Mt 13,12)
Il est possible que cette phrase fût un dicton populaire inspiré justement de l’observation de de la nature : quand les conditions sont favorables il y a surabondance, quand elles ne le sont pas le peu qui a levé finit par mourir et le désert s’installe. Cette phrase Jésus l’utilisera presque à l’identique un peu plus loin avec la parabole des talents (Mt 19,26). On la retrouve aussi dans les évangiles de Luc et de Marc. Que veut précisément signifier Jésus par-là ?
Dans l’évangile de Luc cette phrase est précédée d’un avertissement qui nous donne un précieux éclairage pour la comprendre :
« Faites donc attention à la manière dont vous écoutez. Car à celui qui a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, même ce qu’il croit avoir lui sera retiré » (Lc 8,18).
La qualité de l’écoute est donnée ici par Jésus comme la condition de la vie qui se déploie dans la surabondance. Il ne fait là que reprendre un thème omniprésent dans l’A.T. (Ecoute Israël …). « Ecouter » dans la Bible ce n’est pas simplement prêter attention à la parole de son interlocuteur (dans le but parfois de mieux le contrer), écouter c’est d’abord accueillir, c’est ouvrir sa porte à ce qui est différent, étranger ; écouter c’est être attentif à la nouveauté qui se présente, c’est faire confiance et accepter avec humilité de se laisser transformer. Chez celui qui ouvre sa porte, le souffle divin pourra passer, le don sera alors surabondant, mais chez celui qui se referme, qui se voile les yeux et se bouche les oreilles, la vie ne pourra pas se régénérer et ce qu’il a reçu de la vie se dessèchera.
Jésus explique alors son choix d’utiliser ce procédé littéraire de la parabole : « Voici pourquoi je leur parle en paraboles : parce qu’ils regardent sans regarder et qu’ils entendent sans entendre ni comprendre ; et pour eux s’accomplit la prophétie d’Esaïe, qui dit : Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez pas ; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Car le cœur de ce peuple s’est épaissi, ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, pour ne pas voir de leurs yeux, ne pas entendre de leurs oreilles, ne pas comprendre avec leur cœur, et pour ne pas se convertir. Et je les aurais guéris ! » (Mt 13,13)
A l’instar des poètes ou des artistes, par l’usage d’une parabole Jésus cherche à nous faire appréhender des réalités qui échappent à la pure rationalité. Cette façon d’enseigner laisse à l’auditeur un espace de liberté, un champ d’interprétation personnelle à confronter avec d’autres et le met finalement devant la responsabilité d’un engagement personnel. Jésus propose plus qu’il n’impose. La foi, la confiance est une affaire de cœur plus que de savoir d’où la nécessité pour comprendre cet enseignement de se dessiller les yeux, de se déboucher les oreilles et d’ouvrir la porte de son cœur (l’expression biblique est « la circoncision du cœur », sachant que le cœur dans la culture de l’époque est à la fois le lieu des affects et de la raison).
Parabole et Révélation – Voile et Lumière
Cet enseignement des paraboles qui nécessite de la part des auditeurs une ouverture de cœur et d’esprit n’en est pas pour autant flottant ou purement subjectif. D’une part il requiert un effort intellectuel de décryptage à partir de l’expérience personnelle ainsi que de l’histoire collective et d’autre part Jésus en souligne la portée considérable pour toute l’histoire de l’humanité : « Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans paraboles, afin que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète : J’ouvrirai la bouche pour dire des paraboles, je proclamerai des choses cachées depuis la fondation du monde. » (Mt 13,34)
Fichtre ! Rien que cela : proclamer des choses cachées depuis la fondation du monde !!!
Il peut paraitre assez paradoxal que la parabole, qui par définition est une façon un peu voilée de dire les choses, soit justement le mode utilisé pour révéler des mystères divins, mystères qui étaient cachés depuis la fondation du monde. C’est le paradoxe de la révélation qui procède par l’alternance d’un jeu de voile et de lumière. La Révélation par la parabole n’est pas un dévoilement total, une mise à nu complète de réalités cachées. Souvenez-vous de ce verset du Deutéronome : « A Yhwh notre Dieu sont les choses cachées, et les choses révélées sont pour nous et nos fils à jamais, pour que soient mises en pratique toutes les paroles de cette Loi » (Dt 29, 28).
Dieu ne peut être enfermé dans la totalité d’un concept ou d’une idée fut-elle celle des plus grands philosophes ou même des plus grands théologiens.
La Révélation Biblique vient alors à notre aide dans notre désir de compréhension. Avant d’être une théologie, une parole sur Dieu, elle révèle la destinée de l’homme. Elle s’est déployée au sein de l’Histoire de l’humanité sur plus de quinze siècles par une multitude d’intervenants.
A chacune des étapes de cette histoire, elle s’inscrit en utilisant le langage et la culture propres aux lieux et aux époques traversés :
Elle a débuté avec les canaux traditionnels du sacré des sociétés primitives ( les présages, songes, visions,…) ; puis au sein d’Israël, du fait même de cette révélation, elle s’est progressivement dégagée du religieux magique, superstitieux, purement cultuel et collectif pour mobiliser l’intelligence et la responsabilité de l’homme et faire émerger une exigence d’éthique individuelle. Les canaux furent alors le don de la Loi par Moïse, l’intervention des prophètes d’Israël dans l’histoire, et enfin la méditation et la réflexion des sages.
Cette révélation Jésus la poursuit ici par le moyen des paraboles, et va la mener à son accomplissement par l’évènement de sa mort et sa résurrection.
Cette révélation qui s’approfondit ainsi au cours des siècles nous offre des portes d’accès à des réalités invisibles qui jusque-là nous étaient totalement inaccessibles.
Ces réalités invisibles révélées par les paraboles tout en échappant à notre désir de tout contrôler par la raison ne sont pas pour autant irrationnelles, au contraire Jésus nous les laisse entrevoir dans ce chapitre par l’observation méticuleuse de la création. Il nous laisse ainsi entendre que la Révélation était déjà contenue en germe dans la Création ou plutôt reliée à elle par d’intimes résonnances.
Révélation et Philosophie
Cette dimension rationnelle et évènementielle de la révélation trouve un certain écho dans les courants de la phénoménologie, cette philosophie moderne née avec Husserl, disciple de Hegel.
Après l’éminente tentative de Hegel dans son œuvre « la phénoménologie de l’Esprit » d’associer raison, morale et religion pour décliner un système cohérent englobant tous les savoirs, la phénoménologie a d’une certaine façon pris acte de l’impossibilité d’embrasser tout le Réel dans un ensemble entièrement accessible par la raison. Le Réel échappe désespérément à toutes nos tentatives de totalisation, il déborde toutes nos spéculations, qu’elles s’exercent dans l’ordre de la cosmologie, de la biologie, de la psychologie ou de la métaphysique.
Pour appréhender le Réel, la phénoménologie s’appuie alors sur l’observation des phénomènes sur l’expérience vécue plus que sur une spéculation abstraite. Elle quête le sens des réalités par l’observation et l’enchainement des phénomènes, même si les liens de cause à effet ne sont pas parfaitement démontrables scientifiquement.
Ce Réel auquel nous nous affrontons quotidiennement, cet « Impossible » dit Lacan ou plutôt cet « Infini » selon Levinas, nous est donné par la Nature, objet des sciences, et par l’Histoire, ou en langage Biblique par la Création et par la Révélation.
Une évolution récente de la phénoménologie, qualifiée de néo-phénoménologie, rattache au concept de « phénomène », au-delà des aspects physiques ou psychiques, les évènements. Les évènements sont alors perçus comme « don de sens ».
Cette perception des évènements (Ereignis en allemand) comme révélateur de sens (Sinnereignis) explique sans doute l’importance prise dans ce courant par des penseurs représenté par des grands noms tel que ceux d’Emmanuel Lévinas, Paul Ricœur, Michel Henry, Jean-Luc Marion, Jean-Louis Chrétien, … qui, tous, sont aussi des spécialistes de l’herméneutique biblique, au point qu’un phénoménologue contemporain Dominique Janicaud, a éprouvé le besoin de dénoncer dans son ouvrage, «Le tournant théologique de la phénoménologie française », une nouvelle forme d’emprise de la théologie sur la philosophie. Je pense qu’à contrario il y a tout lieu de se réjouir de ce que la théologie, qui dès l’origine dans son discours sur Dieu a besoin de s’appuyer sur un langage philosophique, verra sa formulation profondément renouvelée et approfondie par l’apport de la phénoménologie dans l’interprétation des textes bibliques.
Que nous enseignent ces différentes comparaisons au sujet du « Royaume des Cieux »?
– Interprétation de la parabole du semeur (13,18)
Jésus, à la demande de ses disciples, va interpréter lui-même cette première parabole du semeur. Il ne s’attarde pas sur la technique du semeur qui sème à tout va, sans faire attention où il jette la semence (…car (Dieu) fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes (Mt 5, 45)), mais s’attache à l’état du terrain sur lequel tombe la graine. Ce terrain c’est l’homme. Il ne fait pas a priori de ce récit une application morale mais une simple observation des faits. La graine ne pourra lever que dans certaines conditions bien précises : à chacun d’en tirer les conclusions ! C’est une invitation, à peine couverte, à notre responsabilité. L’homme n’a pas en lui la possibilité de faire naitre le royaume, il n’est pas la graine, mais il a la responsabilité de préparer le terrain : enlever les pierres (nos endurcissements, nos fixations ?), sarcler pour éliminer les plantes qui risquent de nous étouffer (ne pas se laisser envahir par les soucis, la séduction des richesses, les paroles trompeuses, …), enfin biner (circoncire le cœur) pour ameublir le sol afin que l’air (le souffle de l’esprit) et l’eau (la Parole) puisse pénétrer et ainsi permettre à la graine de germer. On retrouve ici encore une fois l’importance de l’écoute :
« Celui qui a été ensemencé dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et comprend : alors, il porte du fruit et produit l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente. » (Mt 13,23).
L’écoute régulière de la Parole est la condition incontournable de la levée et de la croissance. A noter que la quantité produite est propre à chacun, elle sera fonction de ce que chacun a reçu, comme le précisera un peu plus loin Jésus avec la parabole des talents. Il n’y a donc pas lieu de se fixer a priori un objectif précis à atteindre et encore moins de se comparer les uns avec les autres dans un esprit de rivalité.
– La parabole de l’ivraie.
Après la parabole sur le semis et les conditions de la levée, la parabole suivante porte sur la période après la levée. Pendant cette période, la croissance des plantes ne se faisant pas en un jour, d’autres graines peuvent venir profiter de cette bonne terre. Tel est le cas de l’ivraie, cette graminée comestible assez proche du blé mais dont la consommation peut provoquer quelques troubles (ivresse et ivraie ont une étymologie commune). Ces deux graminées sont d’apparence assez proche au stade herbacé et par ailleurs leurs racines peuvent s’entrelacer. Faire la sélection à ce stade présente donc pas mal de difficultés, le maître demande donc de ne pas prendre le risque d’arracher l’ivraie. Les éléments allégoriques de cette parabole sont clairement explicités par Jésus à ses disciples après le départ de la foule :
« Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume ; l’ivraie, ce sont les sujets du Malin ; l’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. » (Mt 13,37)
Ce qui me semble être demandé à l’homme dans cette parabole c’est d’être patient, de se méfier des jugements précoces des puristes. Il y aura bien un jugement à la fin du monde, nous en reparlerons plus bas, mais de toute façon le jugement n’appartient pas à l’homme, Dieu pour rétablir la justice s’en chargera à la fin des temps !
[A noter que l’expression française « semer la zizanie » vient de cette parabole. En effet le mot hébreu pour signifier l’ivraie a été traduit en grec par zizanion qui a donné en français zizanie. A partir de cette parabole, l’expression « semer la zizanie » (l’ivraie) est devenue une expression symbolique pour signifier jeter le trouble dans un groupe.]– La graine de moutarde.
Notre projection sur l’avenir est trop souvent déterminée par notre vision immédiate des choses ou des évènements et c’est ainsi que spontanément nous extrapolons des évènements futurs à partir des forces qui semblent dominer le présent. Nous occultons les potentialités cachées dans ce qui est encore infinitésimale. Qu’y a-t-il apparemment de plus négligeable qu’une infime petite graine que l’on distingue à peine d’un grain de poussière et pourtant elle va donner « la plus grande des plantes potagères ».
Ce qui peut paraître insignifiant aux yeux de beaucoup aujourd’hui aura un grand rôle demain et beaucoup viendront « faire leurs nids dans ses branches » (Mt 13,32).
– le levain qui fait lever la pâte.
Dans le même ordre que la parabole du grain de moutarde, Jésus prend la comparaison du rôle du levain dans la pâte pour illustrer le rapport d’efficacité entre le visible et l’invisible. Ce levain doit être « enfoui » dans la pâte pour la faire lever. Ainsi, paradoxalement, ce qui parait petit par rapport à la masse doit y être englouti et, devenu invisible va transformer toute la pâte. Il y a là une profonde leçon sur la place de l’Eglise et des chrétiens dans le monde : trop souvent cette place est vécue ou exprimée en termes quantitatifs ou de visibilité (pour se lamenter le plus souvent mais aussi parfois pour s’en vanter). Cette parabole qui reprend l’idée émise par Jésus au chapitre 5 avec l’image du « sel de la terre » pour qualifier les membres du royaume nous invite à abandonner ce regard et donc à éliminer toute forme de concurrence et de rivalité entre les religions ou les courants spirituels. Cet abandon de tout narcissisme dans nos appartenances religieuses et spirituelles est une condition nécessaire pour espérer lever la masse et changer le monde.
– le trésor caché.
Toujours dans cette juxtaposition paradoxale entre le visible et l’invisible Jésus prend l’image d’un trésor caché découvert par un homme dans un champ. Alors « il le cache à nouveau et, dans sa joie, il s’en va, met en vente tout ce qu’il a et il achète ce champ » (Mt 13,44). Il reprend la même idée avec l’histoire d’un marchand de perles qui a trouvé une perle de grand prix. Ils lâchent tout pour acquérir ce trésor.
Dans l’histoire, nombreux seront les hommes et femmes qui à travers un engagement monastique par exemple prendront ce texte à la lettre et abandonneront tous leurs biens pour s’adonner exclusivement à Dieu. On voit bien par cette parabole qu’un tel choix n’entraine aucun mérite particulier, aucune supériorité spirituelle. Le signe de l’authenticité de cet abandon est alors la joie dans l’espérance du royaume.
Mais ce texte est un enseignement destiné à tous. Dans notre vie quotidienne, il ne faut pas perdre de vue ce trésor qui nous attend ; quand nous vivons des moments de ruptures ou d’abandons qu’ils soient familiaux, sociaux ou professionnels, nous puiserons dans la perspective de ce trésor, la force et la joie d’un lâcher-prise au quotidien au sein même des souffrances qu’ils génèrent.
– la pêche au filet.
La première parabole, celle du semeur, portait sur la genèse du royaume dans ce monde, celle-ci, la dernière parabole de ce chapitre sur le royaume, est de type eschatologique, c’est-à-dire qu’elle livre un enseignement sur la fin des temps : « Ainsi en sera-t-il à la fin du monde… ». Déjà plus haut dans l’interprétation qu’il a donné à ses disciples de la parabole de l’ivraie, Jésus avait déjà mis en perspective « la fin des temps ». Il avait insisté sur la patience avant de faire le tri entre le blé et l’ivraie.
Si l’homme n’a pas à juger tant qu’il est dans le monde (le temps donne à chacun, à tout moment, la possibilité de s’ouvrir au royaume), il y aura bien à la fin des temps un « jugement dernier ». Ce jugement comme nous l’avons vu plus haut est une demande de l’homme (Mt 11) affronté aux malheurs et à l’injustice des puissants pour rétablir le droit et la justice.
Dans cette dernière parabole il utilise l’image du pécheur qui tire son filet, ramasse tous les poissons puis fait le tri.
Le tri à la fin des temps séparera « les mauvais d’avec les justes » (Mt 13,49).
Nous avons vu plus haut à propos du « jour du jugement » les racines guerrières de cette expression qui doit assurer au peuple la victoire pour accomplir la promesse de Yhwh.
Dans ce passage comme plus haut dans la parabole de l’ivraie, Jésus utilise l’image angoissante du « feu dans la fournaise », image déjà utilisée dans l’A.T. :
« le châtiment de feu qui détruit Sodome quand Yhvh fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe du soufre et du feu. Cela venait du ciel et de Yhvh » (Gn 19,24) ou la vision de Daniel dans laquelle « le fils d’homme », dont le « trône était en flammes de feu » (Dn 7,9), vient pour dévorer les monstres, symboles de la puissance des empires. Cette représentation du feu dévorant sera largement reprise dans l’imagerie religieuse populaire et lui donnera un nom : l’enfer.
L’idée de l’enfer ou des enfers
Origines mythiques : le séjour des morts
L’idée de l’enfer remonte bien en amont de la révélation évangélique, elle plonge son origine dans les récits mythiques dont l’objectif, par l’usage d’une mise en scène, est de rendre compte de l’existence de la mort et du malheur et donc d’une certaine façon de tenter de les maitriser.
Dans les récits bibliques anciens, disons grossièrement avant l’exil à Babylone, le shéol est le lieu du séjour des morts, destination ultime et normale de tous les vivants. Ces lieux après la mort n’ont pas toujours chez les hébreux une connotation purement négative comme nous pouvons le lire lors de la mort des patriarches dans la Genèse :
« Puis Abraham expira ; il mourut dans une heureuse vieillesse, âgé et comblé. Il fut réuni aux siens » (Gn 25,8)
On retrouve chez les grecs avec l’Hadès une représentation assez similaire. Shéol ou Hadès, ces royaumes de la mort, ont néanmoins le plus souvent une connotation très négative, ils sont perçus comme un trou, une tombe, un puit où descend et survit dans les ténèbres l’ombre des vivants sans aucun espoir de remonter jamais à la lumière. Pire, ce monde de l’ombre est doté de forces que l’on va qualifier de démoniaques ou d’« infernales ». Ainsi doté de puissances mystérieuses, ce monde des morts cherche à s’immiscer dans le monde des vivants pour s’en emparer.
Au-delà du monde grec, ces démons ou esprits maléfiques sont présents dans tous les mythes et folklores du monde entier. Ils se déclinent dans une variété considérable d’images : montres, dragons, géants, serpents, etc… Nous avons vu la dernière fois (Mt 12), l’influence sur le monde juif de la religion babylonienne qui a développé une démonologie très sophistiquée avec une personnalisation de ces forces monstrueuses qui cherchent à « posséder » les humains. Ces combats avec les humains revêtent des formes multiples, cosmiques, physiques ou psychologiques. En Babylonie pour délivrer les personnes, les choses ou les lieux ensorcelés, des exorcismes nombreux étaient pratiqués. Ces rites relèvent essentiellement de la magie mais certains éléments peuvent aussi être rattachés à postériori à la médecine.
Le développement de ces croyances étant universel, force est d’admettre qu’elles ont un fondement anthropologique, qu’elles reflètent toutes les peurs et les angoisses des hommes face à des forces destructrices qui le dépassent et dont ils subissent à leur insu la loi. Dans cette acceptation mythique du terme, le mot « enfer » associé à des forces monstrueuses est décliné au pluriel, on parlera « des enfers ».
Dans notre monde moderne, sortie de la magie et des croyances en des monstres, nous sommes toujours affrontés à des forces cosmiques, politiques ou psychiques terrifiantes qui font des dégâts considérables et contre lesquelles nous nous sentons bien démunis malgré le développement de la science dans tous ces domaines. Nous utilisons d’ailleurs spontanément ce terme d’enfer pour qualifier ces situations tragiques que nous voyons à la télévision ou que nous sommes nous-mêmes parfois amenés à traverser.
Difficulté conceptuelle du monothéisme.
Dans la Bible on relève de nombreuses traces de ces croyances populaires, mais à la différence des représentations grecques ou persanes, en Israël ces démons ne peuvent pas être divinisés comme dans la religion perse où le dieu Ahriman, dieu des ténèbres s’oppose à Mazda, dieu de la lumière. Il s’en suit dans le judaïsme une grande difficulté conceptuelle pour allier un monothéisme stricte et la manifestation de catastrophes et de tragédies que l’on pouvait imputer jusque-là à ces forces monstrueuses. Dans cette problématique du mal et des malheurs comment la foi en un seul Dieu créateur de tout l’univers a-t-elle pu se développer ? D’autant que les promesses faites par ce Dieu à Israël n’ont pas été à première vue tenues.
Le problème s’est posé dès l’enfance de ce peuple au désert. Certes Yhwh en les libérant d’Egypte s’est montré supérieur au demi-dieu pharaon et à ses magiciens ; au désert il leur a donné les moyens de guérir des piqures de « serpents » qui les terrifiaient et les menaçaient de disparition, puis bien que terrifiés par les « géants » qui occupaient le territoire que Yhwh leur avait promis, ils finirent avec l’aide de Yhwh, qui a pris la tête de leur armée, par remporter la victoire et ils purent s’installer. Mais dans la suite de son histoire, le peuple connut bien des déboires et après des échecs militaires successifs contre beaucoup plus puissants que lui ils connurent des déportations qui amenèrent la disparition des trois piliers sur lesquels s’appuyait leur identité : le territoire, la royauté, le temple.
Yhwh était-il finalement moins puissant que ces géants, ces demi-dieux incarnés par les dirigeants de ces empires Assyriens, Egyptiens ou Babyloniens ?
Avec la théologie du deutéronome s’opère alors dans ce combat de Yhwh contre les dieux un retournement tout à fait surprenant et pour tout dire parfaitement imprévisible: Dans la Loi de Moïse, Yhwh a mis l’homme devant un choix qui est celui entre la vie et la mort, entre le bonheur et le malheur (Dt 30,15). L’homme écoutera-t-il la Loi de Yhwh ou suivra-t-il ces idoles ? De fait le peuple suivra cette seconde voix en sacrifiant à Baal et en tentant des manœuvres politiques pour s’allier à ces puissances au lieu de se préoccuper de la justice. Les catastrophes et tout leur malheur s’expliquent alors par là. De ce fait le shéol va se décliner en plusieurs états, le « sein d’Abraham » pour les justes et la « géhenne de feu » faite de supplices éternels, pour les impies.
[Ce nom de géhenne vient du nom d’un ravin près de Jérusalem où les cadavres, rongés de vers, étaient brûlés (Isaïe 66,24) . Aujourd’hui pour accéder à cette vallée, il faut sortir de la vieille ville de Jérusalem par la porte des « détritus » !]
C’est paradoxalement au cours de ces évènements dramatiques traversés que, sous l’impulsion des prophètes et des priants, va s’opérer en Israël une percée dans cette vision sombre et inévitable du séjour des morts. Yhwh reste maître des empires qui ont écrasé son peuple, leurs chefs ne sont même que ses valets. La responsabilité du malheur est à chercher dans le comportement du peuple lui-même car Yhwh est décrit comme maitre des enfers.
« C’est lui qui révèle les choses profondes et occultes ; il connaît ce qu’il y a dans les ténèbres, et avec lui demeure la lumière » (Dn 2,22).
Dans le livre d’Esaïe, Yhwh va jusqu’à se revendiquer comme source des malheurs :
« C’est moi qui suis YHWH, il n’y en a pas d’autre ; je forme la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur :c’est moi ,YHWH, qui fais tout cela » (Es 45,7.
Maitre de la lumière, il est aussi maitre du feu. Cette responsabilité de Yhwh dans toutes ces manifestations dramatiques apparaît paradoxalement comme une source d’espoir.
Il n’y a pas de fatalité aux malheurs, une issue est possible et les prophètes s’en font les chantres. Il s’agit d’un avertissement donné par Yhwh pour faire revenir son peuple à l’exercice de la justice. Le mal séjourne au cœur de l’homme comme le laisse entendre le livre des proverbes qui fait un rapprochement entre la mort et la convoitise des hommes.
« Le Séjour des morts et l’Abîme sont insatiables, insatiables aussi les yeux de l’homme » (Pr 20,7).
Yhwh va pardonner et changer leurs cœurs pour qu’ils entendent sa voix, il va les libérer des enfers de Babylone pour les ramener à Jérusalem et offrir des perspectives d’une renaissance:
« Cieux, de là-haut répandez comme une rosée, que les nuées fassent ruisseler la justice, que la terre s’ouvre, que s’épanouisse le salut, que la justice germe en même temps » (Es 45,8)
Nouvelle difficulté : quid du malheur des innocents ?
Cependant un problème grave subsiste : les malheurs ont touché tout le monde y compris les justes qui se sont nourris de la parole de Yhwh. Alors comment peut-on justifier un tel écart entre les promesses contenues dans la Loi de Moïse, qui devaient assurer le bonheur pour les justes et les malheurs pour les injustes, et la réalité qui voit trop souvent des innocents dans le malheur ?
Tout le livre de Job est consacré à cette question et on se souvient des cris de Jérémie, de même dans de nombreux psaumes de plaintes, des croyants en appellent à un « jugement de Dieu » pour faire éclater leur bon droit. Job comme les psalmistes réclament à Dieu la venue du temps de la justice dont ils se sentent éloignés.
La réponse de YHWH – Expérience charnelle d’une Présence qui sauve.
S’estimant innocent Job crie sa plainte, interpelle Yhwh sur le bien-fondé de sa justice, frisant même parfois l’accusation. A la fin du livre de Job, la réponse de Yhwh n’est pas conceptuelle, Il n’argumente pas, mais il invite Job par la main et lui fait visiter toutes les profondeurs de la création et en particulier il lui fait voir la Bête monstrueuse :
« Voici donc le Bestial. Je l’ai fait comme je t’ai fait .. Vois quelle force dans sa croupe et cette vigueur dans les muscles de son ventre ! Il raidit sa queue comme un cèdre, ses cuisses sont tressées de tendons. Ses os sont des tubes de bronze, ses côtes du fer forgé. » (Jb 40,15-18)
Puis Il ajoute cette phrase incroyable :
« C’est lui le chef-d’œuvre de Dieu, mais son auteur le menaça du glaive » (Jb 40,19)
Les monstres chefs-d’œuvre de la création !!! Heureusement ils sont menacés par leur créateur !
En final, Il lui montre le monstre marin Léviathan et ironise:
« Et le Léviathan, vas-tu le pêcher à l’hameçon et de ta ligne le ferrer à la langue ? Lui passeras-tu un jonc dans le naseau, perceras-tu d’un croc sa mâchoire ? »
Job sort de ce voyage complètement sidéré d’admiration:
« Eh oui ! j’ai abordé, sans le savoir, des mystères qui me confondent… Je ne te connaissais que par ouï-dire, maintenant, mes yeux t’ont vu. Aussi, j’ai horreur de moi et je me désavoue sur la poussière et sur la cendre. »
Le mystère reste entier mais Job a « vu » Dieu et il découvre combien ses discours pour défendre son innocence étaient dérisoires. Cette expérience mystique de la présence de Dieu au cœur des malheurs, on l’a retrouvée chez Jérémie, mais aussi et surtout dans les Psaumes où se décline toute la palette des réactions face aux malheurs : plaintes, accusations, supplications, incompréhensions, où au désespoir succède la confiance et pour terminer la plainte se convertit en louange. La prière de plainte apparaît ainsi comme le moyen d’exprimer l’expérience du divin qui ouvre de nouvelles voies en de ça de toute théologie et de toute spéculation. Jésus lui-même sur la croix « s’écria d’une voix forte » (Mt 27,46), le psaume 22 qui commence ainsi:
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
J’ai beau rugir, mon salut reste loin.
Le jour, j’appelle, et tu ne réponds pas, mon Dieu;
la nuit, et je ne trouve pas le repos … » (Ps 22)
A partir de ces expériences individuelles, se développe au plan collectif dans la période de l’exil à Babylone, sous l’impulsion des prophètes, l’idée qu’un Messie va venir rétablir le royaume d’Israël. Les contours de ce Messie restent encore assez flous et énigmatiques mais il apparaît nettement que cette sortie des enfers s’adresse à ceux qui ont changé leurs cœurs, à ces pauvres d’Israël qui réclament à Yhwh la restauration de la justice.
Le rôle du Messie ?
Dans l’interprétation de cette parabole du filet de pêche, à la suite des évènements qui vont suivre et à la lumière de sa mort et de sa résurrection, Jésus apparaît comme celui qui jette son filet pour retirer des eaux (des enfers) tous les hommes. Jésus va accomplir la promesse de Yhwh d’arracher les justes de l’emprise de la mort. Pour cela, Il va descendre lui-même « aux enfers », il va les traverser (symbole de pâque) pour soutirer l’humanité entière des forces maléfiques dans lesquelles elle est enchainée. Il vaincra la violence, non par la violence, mais par le don de sa vie. Ceux qui refuseront de le suivre dans ce sauvetage de l’humanité par le don, ne pourront pas accéder au royaume (ils seront rejetés à l’eau). Il y a là dans ce refus d’entrer dans cette économie de la vie par le don, l’idée d’une seconde mort, d’une mort définitive, l’enfer. Après Jésus, le mot caractérisant le lieu de la mort, n’est plus décliné au pluriel mais au singulier. Ce ne sont plus « les enfers », ce lieu traditionnel où dorment confondus justes et injustes, ce monde obscur peuplé de monstres, entre les mains des puissants, mais l’enfer au singulier pour ceux qui en dépit de ce désir de Yhwh persistent dans leur injustice, ne font confiance qu’en leur propre puissance et écrasent les plus faibles.
Jésus en décrivant cet enfer avec des images terribles reprises des châtiments anciens de Yhwh (Gn 19, 24) souligne la dimension tragique de l’histoire humaine :
« Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges surviendront et sépareront les mauvais d’avec les justes, et ils les jetteront dans la fournaise de feu ; là seront les pleurs et les grincements de dents. » (Mt 13,50).
Il nous invite à ne pas prendre son enseignement sur le royaume et le destin de l’humanité à la légère, car tout homme côtoie les abymes et a besoin d’être repêché. Il y reviendra plus longuement un peu plus loin (ch.25) en reprenant les images de la littérature apocalyptique qui annoncent le combat final de la justice contre ces forces « infernales » de la mort.
Conclusion des Paraboles
Après avoir ainsi parlé, Jésus demande à ces disciples s’ils ont bien tout compris. Leur acquiescement nous laisse un peu sceptique connaissant la suite de l’histoire, mais Jésus en guise de conclusion leur dit :
« Ainsi donc, tout scribe instruit du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et du vieux » (Mt 13,52).
Que veut-il bien vouloir dire par cette phrase?
Un scribe, c’est-à-dire un homme savant, imprégné des écritures, est comparé à un maitre de maison, c’est-à-dire qu’il est responsable du peuple et il doit l’enseigner. Dans son enseignement il doit certes s’appuyer formellement sur les Ecritures, mais il doit aussi faire preuve de créativité dans l’interprétation de ces écritures, s’appuyer sur les évènements passés mais aussi sur les évènements présents. Avec ces paraboles Jésus porte un éclairage significatif sur sa façon d’enseigner, il nous invite ainsi à porter toute l’intelligence de notre cœur non seulement à la Création mais aussi à toute l’histoire de la Révélation et à en poursuivre l’interprétation dans le temps présent.