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Consolation et confiance

Plus qu’aucune autre de ses lettres, cette deuxième lettre aux Corinthiens révèle un homme à vif. L’ampleur des obstacles franchis, des souffrances traversées donnent à Paul l’occasion d’écrire dans cette lettre des phrases célèbres qui deviendront des apophtegmes : la lettre tue, l’Esprit donne la vie,  lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort, le trésor dans des vases d’argile, ….

Les dangers auxquels Paul a dû faire face, les grandes souffrances  éprouvées  furent  pour lui l’occasion de grandes consolations reçues du Christ ; il veut les partager avec toute la communauté de Corinthe:
« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ;  il nous console dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu… nous savons que, partageant nos souffrances, vous partagez aussi notre consolation.» (2Co 1,3-7).

Le passage à travers souffrances et adversités l’a renforcé ; il a dû lâcher-prise et s’abandonner totalement dans la confiance au Christ.
« Car nous ne voulons pas, frères, vous le laisser ignorer : le péril que nous avons couru en Asie nous a accablés à l’extrême, au-delà de nos forces, au point que nous désespérions même de la vie.
Oui, nous avions reçu en nous-mêmes notre arrêt de mort. Ainsi notre confiance ne pouvait plus se fonder sur nous-mêmes, mais sur Dieu qui ressuscite les morts.  C’est lui qui nous a arrachés à une telle mort et nous en arrachera ; en lui nous avons mis notre espérance : il nous en arrachera encore. » (2Co 1,8-10).

Légitimité de St Paul

Dans les deux premiers chapitres de cette lettre, on entrevoit les difficultés auxquelles Paul s’affronte. Dans cette communauté Il semble faire l’objet d’attaques personnelles. Le fait qu’il ait promis de passer par Corinthe et que finalement il ait annulé son voyage illustre pour certains  l’instabilité du personnage qu’ils perçoivent comme un illuminé (2CO 5,13) peu fiable (2Co 1,17).
Il s’en défend vigoureusement (2 Co 1,12 à 2,4). Il n’en est cependant pas trop atteint personnellement,  il perçoit cette offense comme un affront  fait à la communauté, aussi  demande-t-il  à l’ensemble de la communauté de pardonner à ces gens-là et de les aider.
« Si quelqu’un a fait de la peine, ce n’est pas à moi, mais dans une certaine mesure, n’exagérons rien, à vous tous.  Pour un tel homme, il suffit du blâme infligé par la communauté ;  c’est pourquoi, bien au contraire, faites-lui plutôt grâce et consolez-le, de peur qu’il ne sombre dans une tristesse excessive. » (2Co 2,5-7).
Il ne se  positionne pas en rivalité face à ceux qui le contestent, ce serait être « dupe de « Satan » comme ceux qui « trafiquent la parole de Dieu » (2Co 2,17).

Don de l’Esprit et Dévoilement

La légitimité qu’il revendique, lui, pour parler et interpréter les textes ne vient pas de ses qualités propres, mais du don de l’Esprit.  « Ce n’est pas à cause d’une capacité personnelle que nous pourrions mettre à notre compte, c’est de Dieu que vient notre capacité. C’est lui qui nous a rendus capables d’être ministres d’une Alliance nouvelle, non de la lettre, mais de l’Esprit. »
Il a alors cette phrase devenue célèbre : « car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie. »(2Co 3,5-6).

Que veut-il dire exactement dans cette phrase ?
Paul met en cause ici une lecture formelle, strictement littérale de l’écrit pour nous faire passer à une lecture à la fois plus spirituelle et plus charnelle, une lecture qui, résonant dans notre quotidien, fait surgir la vie.
Une telle lecture est un don de l’Esprit, il s’en dégage une gloire, un rayonnement  plus fort et surtout plus permanent que celui de Moïse quand il est descendu de la montagne du Sinaï. « Or si le ministère de mort gravé en lettres sur la pierre a été d’une gloire telle que les Israélites ne pouvaient fixer le visage de Moïse à cause de la gloire – pourtant passagère – de ce visage,  combien le ministère de l’Esprit n’en aura-t-il pas plus encore ? » (2Co 3, 7-8).
Paul reprend le clivage, amorcé dans sa lettre aux Galates et qu’il développera dans l’Epitre aux Romains, entre la Loi qui en révélant le péché donne la mort et la grâce de l’Esprit qui pardonne et donne la vie.
Le voile dont Moïse devait se couvrir pour protéger le peuple du rayonnement de son visage, Paul l’associe au voile du texte de l’ancien testament dont le sens sera pleinement dévoilé par le Christ. « C’est seulement par la conversion au Seigneur que le voile tombe.  Car le Seigneur est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2Co 3,16).
Le thème de la libération qui parcourt tout l’ancien testament trouve son accomplissement dans la liberté de l’homme, signe du don de l’Esprit. C’est cette liberté qui lui donne tant de courage pour  manifester « l’illumination de l’Evangile de la gloire du Christ, lui qui est l’image de Dieu. Non, ce n’est pas nous-mêmes, mais Jésus Christ Seigneur que nous proclamons. Quant à nous-mêmes, nous nous proclamons vos serviteurs à cause de Jésus. » (2Co 4,4).

Nouvelle création

La lumière qui pénètre le cœur de celui qui annonce l’évangile est cette même lumière qui a brillé au milieu des ténèbres lors de la création du monde ; Paul veut signifier par-là que la révélation de l’évangile est une nouvelle création : « Car le Dieu qui a dit : que la lumière brille au milieu des ténèbres, c’est lui-même qui a brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. » (2Co 4,6)
L‘extraordinaire paradoxe est que cette lumière créatrice est portée par des personnes faibles et fragiles : « Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile, pour que cette incomparable puissance soit de Dieu et non de nous » (2Co 4,7).
Cette extrême fragilité, Paul la vit justement comme un lien très fort avec le Christ dont il partage ainsi les souffrances.
Pour exprimer cette assurance au cœur de sa faiblesse, pour illustrer cette présence de Dieu à ses côtés, il utilise une image tirée des combats de gladiateurs:
«  Pressés de toute part, nous ne sommes pas écrasés ; dans des impasses, mais nous arrivons à passer ; pourchassés, mais non rejoints ; terrassés, mais non achevés ;  sans cesse nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps » (2Co 4,8-10).
En reprenant une image plus moderne, celle de la boxe on dirait que toujours poussé « dans les cordes », il n’est jamais mis K.O. ; au contraire à travers ce combat, cette menace de la mort, c’est la vie qui émerge de lui, vie qu’il transmet à tous les membres de cette communauté de Corinthe : «  Toujours, en effet, nous les vivants, nous sommes livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre existence mortelle. Ainsi la mort est à l’œuvre en nous, mais la vie en vous. » (2Co 4,11).

Résurrection et parole

L’annonce de la Parole, à travers sa mort et la nôtre, féconde l’humanité, donne la vie en surabondance : « Pourtant, forts de ce même esprit de foi dont il est écrit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé, nous croyons, nous aussi, et c’est pourquoi nous parlons. Car nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera nous aussi avec Jésus et il nous placera avec vous près de lui.  Et tout ce que nous vivons, c’est pour vous, afin qu’en s’accroissant la grâce fasse surabonder, par une communauté accrue, l’action de grâce à la gloire de Dieu » (2Co 4,13-15).
Concrètement aujourd’hui, Paul ressent dans sa chair le paradoxe de ce double mouvement, la glissade vers la mort et la montée de la vie: « C’est pourquoi nous ne perdons pas courage et même si, en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos détresses d’un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu’elles nous préparent. Notre objectif n’est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel » (2 Co 4,17-18).

Cette montée de la vie dans l’homme intérieur nous ouvre l’accès à notre demeure éternelle vers laquelle nous soupirons. Paul reprend alors deux images courantes dans l’A.T. très imbriquées l’une à l’autre : celle de la demeure (ou de l’habitation) et celle du vêtement (ou de  l’habit) : « Car nous le savons, si notre demeure terrestre, qui n’est qu’une tente, se détruit, nous avons un édifice, œuvre de Dieu, une demeure éternelle dans les cieux, qui n’est pas faite de main d’homme.  Et nous gémissons, dans le désir ardent de revêtir, par-dessus l’autre, notre habitation céleste,  pourvu que nous soyons trouvés vêtus et non pas nus » (2Co 5,1-3).
Cette habitation est notre corps céleste qui recouvrira notre corps terrestre. Ce corps dont Paul a dit dans sa précédente lettre aux Corinthiens qu’il était le Temple (la demeure) de l’Esprit (1Co 6,19). Paul semble cependant conditionner cette transformation de notre corps terrestre au fait que nous ne soyons pas trouvés nus. Que veut- il dire exactement par-là ?  Sans doute pense-t-il  au  «  vêtement de la justice » que doivent revêtir les élus pour entrer dans le royaume.

Ainsi plein de confiance, non seulement la mort ne lui fait pas peur, mais il en vient à la désirer.  Quoiqu’il en soit, ce qui lui importe, c’est cette relation d’amour qui lui fait accepter aussi bien de mourir que de vivre : « Ainsi donc, nous sommes toujours pleins de confiance, tout en sachant que, tant que nous habitons dans ce corps, nous sommes hors de notre demeure, loin du Seigneur,  car nous cheminons par la foi, non par la vue…  Oui, nous sommes pleins de confiance et nous préférons quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur.  Aussi notre ambition – que nous conservions notre demeure ou que nous la quittions – est-elle de lui plaire. » (2Co 5,6-9).

« Crainte du Seigneur », source de force et de liberté.

Cet abandon entre les mains du Christ trouve son origine dans « la connaissance de la crainte du Seigneur » : « Connaissant donc la crainte du Seigneur, nous cherchons à convaincre les hommes» (2Co 5,11).
Nous avons vu combien le sens de l’expression « crainte de Dieu » s’enrichit tout au long de la Bible, depuis la révélation du Sinaï où le peuple doit apprendre la crainte de Yhwh (Dt 4,10) http://bible2.falguerolles.org/le-deuteronome/deuteronome-1-11/#Revelation_de_La_Loi_et_Crainte_de_YHWH ,
jusqu’au panégyrique qu’en fait le Siracide dans son premier chapitre « La crainte du Seigneur réjouit le cœur, donne joie, gaieté et longue vie… » (Si 1,12).
Paul revendique cette connaissance de la « crainte du Seigneur », elle lui donne une grande force et une grande liberté pour annoncer activement la bonne nouvelle, en effet il n’a plus rien à perdre, plus rien à cacher : « Devant Dieu, nous sommes pleinement à découvert. J’espère être aussi pleinement à découvert dans vos consciences» (2Co 5,11).

L’homme justifié par le Christ

Paul fait alors allusion à ses expériences mystiques dont il répugne à parler, car c’est de l’ordre de l’intime : « Si nous avons été hors de sens, c’était pour Dieu ; si nous sommes sensés, c’est pour vous. » (2Co 5,13).
Il ne veut pas s’en valoriser ni en faire un argument de justification personnelle vis-à-vis de la communauté. Par contre il ne veut pas que ses extases soient interprétées comme une pathologie. En effet dans sa relation aux autres il est tout à fait sensé et dans cette expérience mystique, saisi par l’amour du Christ, son regard sur les autres se transforme complètement : « Aussi, désormais, ne connaissons-nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là. » (2Co 5,16).

Cette nouvelle création est opérée par la réconciliation : « Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation » (2Co 5,17).
Cette réconciliation, c’est celle de l’homme avec lui-même, et Dieu lui-même ne met plus la faute sur le compte de l’homme : « Car de toute façon, c’était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation » (2Co 5,19).
Mais cette réconciliation ne peut s’opérer qu’avec notre participation au Christ : « Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu. » (2Co 5,20).
C’est l’incarnation du Christ qui en prenant notre condition humaine de pécheur, nous réconcilie avec nous-mêmes et avec Dieu et nous rend ainsi justes : «  Celui qui n’avait pas connu le péché, il l’a, pour nous, identifié au péché, afin que, par lui, nous devenions justice de Dieu » (2Co 5,21).

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